Sous les Auspices de la Nature Sacrée, sous la Protection du Prophète des Forêts

"Le républicain Briot, que j'ai connu" (Chateaubriand - Mémoires d'Outre-Tombe)

PIERRE-JOSEPH BRIOT
(17 avril 1771 - 18 mars 1827)

Robert Ouvrard
(avec mes remerciements à François Briot, sans qui cet article n'aurait pas vu le jour)

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C'est à Orchamps-Vennes, petit village Jura à une cinquantaine de kilomètres de Besançon, que naît Pierre Joseph Briot, le 17 avril 1771. C'est l'ainé de trois enfants de Thomas Briot, procureur fiscal. Il va faire de bonnes études secondaires au collège de Besançon. Il songe un moment à devenir prêtre, mais, à l'âge de 18 ans, il se fait inscrire au tableau des avocats.

Viennent les évènements de 1789. Briot, estimant qu'il a mieux à faire que plaider, se lance dans le mouvement révolutionnaire.

"Beaucoup trop jeune pour avoir été un des auteurs de la Révolution, je ne tardais pas a concevoir de l'enthousiasme pour ses principes et à désirer de voir les institutions que j'admirais chez les anciens peuples devenir celles de ma patrie. Je crus tout facile et simple, je voyais les hommes autrement que mon expérience me les a montrés" écrira-t-il en 1815 à Decazes.

Et il va bientôt fonder, avec quelques autres, le club jacobin de Besançon, le Club des amis de la Liberté. Dans le même temps, il collabore au journal de ce club, La Vedette, où se fait remarquer son violent anticléricalisme.

"J'ai été accusé d'être athée, impie, matérialiste, déiste, homme sans religion, philosophe intolérant. Mais je le demande, un athée et un impie posent-il l'existence de Dieu pour base fondamentale des devoirs de l'homme et du citoyen? Un matérialiste prouve-t-il la certitude d'une vie future ? Un déiste cite-t-il la Bible comme un livre divin ? Un homme sans religion fait-il l'éloge de la religion ? Un intolérant prêche-t-il, comme je l'ai fait, l'humanité et la tolérance ? On n'a pas voulu voir tout cela, on veut que je sois à la fois athée, déiste, hérétique, idolâtre même au besoin! En vérité, pour ne prêter toutes les absurdités et toutes les fureurs réunies, ils ne manqueront plus que me supposer aristocrate et non conformiste." (La Vedette - 21 décembre 1791)

Mais il faut bien vivre : il se fait alors nommer, le 17 février 1791 - il n'a que 21 ans - professeur de rhétorique au collège de Besançon !

En 1792, la Patrie est en danger et Briot s'engage dans un bataillon de volontaires pour combattre contre les Prussiens. Avec son bataillon, il part pour Strasbourg. Mais Briot tombe malade et il est de retour à Besançon en novembre.

S'il apporte son soutien au club qu'il a fondé, il semble cependant être hésitant et semble d'ailleurs, à ce moment, plutôt pactiser avec les Girondins. En témoigne sa prise de parole, le 18 novembre 1792, pour protester contre le procès que la Convention entame contre Louis XVI, et se plaindre de la « tyrannie » que les Jacobins de Paris font peser sur la France. Mais il va prononcer l'éloge de Lepelletier de Saint-Fargeau, le député assassiné par des royalistes, le 20 janvier au soir, pour venger l'exécution de Louis XVI.

A Besançon, il fréquente le général Charles de Hesse, que l'on surnomme le général Marat, durant les cinq mois que celui-ci tiendra garnison à Besançon.

En mai 1793, pas plus Briot que le club de Besançon, n'ont encore pris parti pour les Girondins ou pour les Montagnards qui, à ce moment, se disputent le pouvoir à Paris. Il est clair qu'à la vérité, on ne comprend pas vraiment l'objet de leurs querelles. Pour être mieux renseignés, la Société populaire décida d'envoyer un commissaire à Paris. Ce commissaire sera Briot, qui, malgré ses 22 ans, a donc déjà acquis une certaine autorité auprès de ses concitoyens.

En même temps, Briot est chargé de porter à la Convention une adresse, qu'ont signée 353 personnes, pour protester contre les dissensions de l'Assemblée et souhaiter le vote rapide d'une constitution. Il a vingt-deux ans:

"un jeune homme du plus heureux naturel, plein de bonne instruction, de patriotisme éclairé, d'humanité, d'enthousiasme, et qu'un rare talent pour la parole avait rendu populaire.."

Briot arrive à Paris fin mai, juste avant les journées des 31 mai et 2 juin, au cours desquelles les Girondins sont éliminés, au profit des Montagnards. Briot était arrivé avec un préjugé plutôt favorable aux Girondins. Mais il va rapidement changer d'avis, et lorsque, le 11 juin, il vient présenter à la Convention la pétition dont il est chargé, il a garde de ne pas critiquer les Montagnards (de larges extraits de son discours son publiés dans l'ouvrage de Francesco Mastroberti)

"Briot a paru hier au soir à la barre, où il a prononce un discours très-énergique universellement applaudi par les deux cotes de l'assemblée et par toutes les tribunes" (La Vedette, 15 juin 1793)

Mieux, le lendemain, il écrit à ses compatriotes, pour les conjurer de ne pas se rallier au mouvement « fédéraliste », et de ne pas prendre parti contre la Convention. Briot, dès cette époque, comprend l'importance de « l'unité et de l'indivisibilité de la République ».

Le 18 juin, Briot retrouve Besançon. A ses compatriotes, il recommande d'attendre que la situation soit éclaircie. Mais il va bientôt évoluer, se faisant, dans la Vedette, de plus en plus le champion des Montagnards. Bientôt, il en vient à réclamer l'instauration de la Terreur, et en août, la mort des « ennemis du peuple ».

"Quoi donc! oseront-ils réclamer l'appui des lois, les traîtres qui conspirent leur ruine ? De quel droit invoque-t-il les formes judiciaires, celui-là qui ne suit que les voies du crime et du mensonge ? Non, peuple, les droits de l'homme ne peuvent pas être invoqués par les tigres: et les droits du citoyen français par des scélérats et des esclaves. Le code de tes lois fut fait pour toi sans doute, et non pour tes assassins ... Le sang ..."

Il est alors très lié au conventionnel Bassal, envoyé en mission dans les départements du Doubs et du Jura, pour y lever des bataillons de volontaires et y « épurer » les autorités constituées. C'est à la demande de ce dernier que Briot prononce publiquement l'éloge de Marat.

Il est probable que c'est à cette époque, qu'il adhère à la société secrète des Bons Cousins Charbonniers.

Mais cela, apparemment, ne modifie pas sa vie. En 1794, Briot se range parmi les « terroristes » de Besançon; il est nommé aide de camp du général Reed, mais ne quitte pas la Franche-Comté.

Après le 9 Thermidor et la chute de Robespierre, Briot est, un moment, arrêté et emprisonné (comme le sera un jeune officier artilleur...), mais il est rapidement libéré. Il est ensuite élu membre du conseil général de la Commune... sans pouvoir siéger, car il est trop jeune !

Il est alors nommé chef de bureau au Ministère de la police (le ministre s'appelle Merlin de Douai).

Le 2 avril 1796, ses compatriotes lui donnent une chaire de professeur de Belles-Lettres à l'École centrale du Doubs, à Besançon. Mais cette nomination ne plait pas à tout le monde, et ses ennemis l'accuse d'être un « complice de Babeuf », récemment arrêté.

Alors, pour échapper à ses accusateurs, il rejoint une nouvelle fois les armées. Le 25 juin 1796, il est affecté au 8e régiment de hussards, comme secrétaire à l'état-major du général commandant l'aile droite de l'armée de Rhin-et-Moselle. Cette armée est alors commandée par Moreau, et vient, le 24, de franchir le Rhin (Moreau sera contraint à la retraite à partir du 8 septembre).

A la mi-avril 1797, Briot quitte l'armée de Rhin-et-Moselle. Il reprend alors ses fonctions de professeur à l'École centrale; peu après, il est élu accusateur public près le tribunal criminel du Doubs et quelques mois plus tard, aux élections d'avril 1798, les électeurs du Doubs le choisissent pour représenter leur département au Conseil des Cinq Cents.

"Briot, cet aimable et ardent ami de la liberté, possédait encore de qu'on pourrait appeler la philosophie du patriotisme. Il avait de l'érudition et en même temps une candeur, une gaieté et une sensibilité qui rendaient sa conversation pleine de charme. Enfin, il m'aimait encore plus qu'il n'avait aime Napoléon, jusqu'au moment qu'il appelait celui de son apostasie" (Lucien Bonaparte - Révolution de Brumaire - 1845.)
Au Conseil, où il fait preuve d'une très grande activité, il se range parmi les Jacobins et il sera un des principaux acteurs du coup d'État de prairial (18 juin 1799), qui élimine les Directeurs Rewbell, La Révellière-Lépeaux et Merlin de Douai. Il va aussi se lier à Lucien Bonaparte, début d'une très longue amitié (il jouera un rôle important dans le mariage de celui-ci avec Alexandrine Jouberthon).

Le 17 septembre 1798, il était intervenu « sur la situation extérieure de la République » et demande la formation d'une commission de sept membres chargée de présenter un projet de loi proclamant la déchéance des rois de Sardaigne et de Naples, et l'indépendance des nations sardes, piémontaises et sicilienne.»
"Je voudrais même, qu'on effaçât les mots d'aristocrate, de jacobin, de terroriste, de chouan et d'autres de cette espèce, et qu'on adressât à tous les Français les vérités qui doivent enfin pénétrer dans tous les cœurs et former l'opinion."

"Apprenons aux rois ennemis que les législateurs de la France sont prêts à la guerre, et qu'ils organiseront la régénération des peuples... Il faut que l'Italie soit libre et républicaine: il nous faut une barrière entre la Russie et l'Autriche: il nous faut un point de contact entre l'Egypte, l'Inde et le Levant: il faut révolutionner la Sicile, pour avoir Malte et Corfou: nous garantirons aux Italiens leur liberté et leur indépendance, et ils oublieront leurs malheurs pour se rallier à nous. Florence deviendra la capitale d'une nation, ennemi implacable de l'Autriche, et alliée reconnaissante de la grande nation." (discours du 17 septembre 1799)

A la séance du 14 octobre, lorsque l'on apprend, au Conseil des Cinq-Cents, que Bonaparte revient d'Egypte, Briot, dans un discours improvisé, adresse à Bonaparte les éloges les plus flatteurs, voyant en lui l'homme qui revenait enfin afin de libérer l'Italie, de combattre pour sa patrie et de sauver la République :

J’appuie la proposition de Carré, et je demande le renvoi de celle de Portiez de l’Oise à une commission. II est difficile de rendre les sensations agréables que nous causent les heureuses nouvelles qui nous arrivent d’heure en heure. Nos succès élèvent la France au faîte de la gloire, et désormais elle conservera entre les nations de l’univers la place que lui assurent ses hauts faits et les merveilles de sa révolution. Peuples de l'Europe, et vous, ministres des cabinets, qui avez médité son abaissement et sa ruine, une funeste expérience a dû vous détromper; sachez que la France est invincible, sachez que c’est à elle à donner la paix au monde et à punir les forfaits dont on s’est rendu coupable envers elle. C’est au milieu de la désorganisation de nos armées; c’est lorsque, dénuées de tout, elles n’avaient pas encore reçu les renforts qui de toutes parts s’acheminaient vers elles, que nous avons triomphé de la coalition en Afrique et en Europe. Quels ne seront pas nos triomphes lorsque les nombreux bataillons qui s’organisent partout auront présenté sur nos frontières une ceinture de baïonnettes ? Quels succès nous présage encore l’arrivée de ce héros dont le nom seul vaut une armée, dont l’épée, qui a triomphé en Orient, va briller de nouveau en Europe, rapporter la paix au monde et cimenter la régénération politique de l’Italie ? Celui qui à Campo-Formio dicta les conditions de la paix, qui a Mantoue rendit des honneurs à un vieux général, celui-1à, toujours digne de la confiance des républicains, sera bientôt à la tête de nos armées ; bientôt nous n'aurons plus d’éloges à lui donner,iI les aura tous épuisés."

Mais les journées des 18 et 19 brumaire, au cours desquelles sa conduite n'est pas aisée à suivre, vont le faire changer d'avis. Le 19 brumaire, il est, avec ses collègues Talot et Bertrand du Calvados, parmi les plus acharnés, allant jusqu'à l'insulter. Il doit, avec ses collègues, "évacuer" la salle où siégent les Cinq-Cents.

"Quelques journaux ont imprudemment menti, quand ils ont dit que j'avais jeté mon manteau en fuyant. Arraché à mon poste, les baïonnettes sur la poitrine, je suis sorti des derniers, je suis resté encore plus d'une heure au château après avoir remis tranquillement mon costume à sa place. Je ne suis sorti que quand j'ai vu que le Corps Législatif était consigné et qu'on arrêtait les députés. Alors je me suis souvenu que j'avais été hussard. Je suis sorti avec huit de mes collègues, non en fuyant, mais les pistolets à la main; voilà la vérité."

Après le coup d'état, Briot est, sur ordre de Sieyès, et en vertu de l'article 3 de la loi du 19 brumaire qui confie aux consuls le maintien de la tranquillité publique, sur la liste des 37 députés décrétés d'accusation, et tenu, comme par exemple le général Jourdan, de se rendre à La Rochelle. Il n'a garde d'obéir, s'enfuit et se cache. Finalement l'arrêté de proscription ne sera pas promulgué et Briot revient à Paris, mais toujours sous la surveillance de la police.

De retour à Besançon, il imprime, dans une imprimerie achetée en 1794, la première édition des Fragments sur les Institutions républicaines, de Saint-Just, ce qui rend furieux le nouveau maître de la France, qui ordonne la destruction de la plus grande partie de l'édition (il n'en subsistera que quelques exemplaires).

Grâce encore à Lucien Bonaparte, il est nommé, le 5 mai 1800, secrétaire général de la Préfecture du Doubs, et seize mois plus tard, le 29 août 1801, commissaire du gouvernement de la France à l'île d'Elbe.

L'île d'Elbe, qui appartenait au royaume de Naples, vient, le 28 mars 1801, d'être cédée à la France par le traité de paix de Florence. Elle compte alors environ 10.000 habitants, mais elle n'a pas encore reçut d'organisation administrative semblable à celle de la France. Briot doit attendre que les pourparlers de la paix avec l'Angleterre soient assez avancés pour se mettre en route, et il n'arrive à l'île d'Elbe que le 25 mars 1802.

Là, il est subordonné à Miot (le futur comte de Melito), administrateur général de la Corse, à qui il doit adresser des rapports détaillés sur la situation de l'île. Mais le 17 avril 1802, à peine un mois après son arrivée, il est destitué: son ministre lui reproche de n'avoir pas encore ouvert sa correspondance officielle avec Paris et son ministre Chaptal !

Briot, dés l'arrivée de son successeur (un nommé Lelièvre, membre du Conseil des Mines, qui n'arrive qu'à la fin de l'été !) Briot se rend à Paris, à la mi-septembre 1802....où il voit de nouveau nommer à son poste (le 28 janvier 1803) et prié de retourner à l'île d'Elbe en conservant son titre de commissaire général et... ses gros appointements de 15 000 francs par an.

Briot profite de son passage à Paris pour faire approuver, avec l'appui d'une députation d'Elbois, un projet de nouvelle organisation administrative de l'île : elle formait, avec les îlots voisins de Caprara, Pianosa, Palmaiola et Monte-Cristo, une circonscription autonome dans laquelle le commissaire exerçait les fonctions d'un préfet. Le commissaire était assisté d'un conseil d'administration de cinq membres. Les institutions administratives, financières, judiciaires, éducatives, militaires, religieuses de la France étaient introduites dans l'île, mais, à la demande de Briot, l'île est laissée en dehors des barrières douanières françaises. Ce projet est accepté sans modifications par le Conseil d'État et le Premier Consul.

 

Saint-Cloud, 8 juin 1803

Au citoyen Chaptal, ministre de l'intérieur.

Le Premier Consul me charge, Citoyen Ministre, de vous inviter à écrire au Citoyen Briot, commissaire du Gouvernement, de ne contrarier en aucune manière les opérations du général Rusca, et, au contraire, de le seconder de tous vos moyens dans les mesures qu'il prendra pour la défense de l'île d'Elbe.

Par ordre du Premier Consul.


Le 13 avril 1803, Briot est de retour à Porto-Ferraio. Il se querelle bientôt avec le commandant militaire, le général Rusca, compatriote du Premier Consul et protégé par lui (voir ci-contre), ce qui rend impossible son maintien dans les fonctions de commissaire général. Le 26 août 1803, il est rappelé, mais il ne l'apprend qu'au début de novembre, car la guerre qui a repris entre la France et l'Angleterre a rendu les communications maritimes incertaines. Il quitte l'île au début de janvier 1804, regretté des fonctionnaires et des « principaux citoyens » de l'île, qui lui remettent une médaille.

" (..) Citoyen Commissaire Général, l'Isle d'Elbe reconnaissante a voté et consacré « cette médaille » à l'Administrateur qui a voulu fortement son bonheur, qui dans des circonstances difficiles, a cherché à adoucir pour elle les maux de la guerre, et préparé les bienfaits de la paix, qui a été juste et ferme au milieu des partis et des agitations, qui ne voulait que faire des heureux et réunir les citoyens. Cette médaille est votée encore au citoyen éclairé et moral, dont les principes, les discours et la conduite exerceaient une utile influence, qui se fit rechercher et chérir dans les rapports de la société et les habitudes de la vie privée, comme il honorait publiquement son gouvernement et son administration. Veuillez agréer et conserver cette médaille comme un gage durable des liens qui nous unissent à vous ; des souvenirs que vous laissez dans cette isle, et dont vous devez la réciprocité, nous désirons qu'elle vous rappelle souvent vos amis, et un pays au bonheur duquel vous avez pris l'engagement de vous intéresser sans cesse.

En présentant au gouvernement l'expression de notre reconnaissance, soumettez-lui nos besoins et nos vœux ; sollicitez de sa bonté le complément de ses promesses, l'achèvement de notre organisation. Vous lui direz quels sentiments, vous lui peindrez quelle énergie nous avons montré au moment de la guerre ; ajoutez-y, que nous ne quitterons jamais le chemin de l'honneur, et que la nation française qui a senti l'importance de notre réunion et de notre position, n'aura pas de citoyens plus fidèles, ni de défenseurs plus dévoués à sa cause (..)"

"Briot était un homme de devoir (..) Il se montra Elbois autant que le meilleur des Elbois (..) Briot avait été rappelé. C'était pourtant le magistrat civil qui convenait le mieux à l'île d'Elbe, c'était du moins celui qui avait le mieux compris les Elbois. Il n'avait fait de mal à personne, il avait fait du bien à beaucoup de monde." (Pont de l'Hérault - cité dans Le Floch' Soye)

On ignore quelles furent les occupations de Briot de janvier 1804 à 1806. Sans emploi, sans fortune et chargé de famille, la vie n'est pas facile. Il envisage un moment de s'expatrier en Amérique.

Mais au printemps 1806, il est désigné pour servir sous Joseph Bonaparte, à Naples. Sans doute, la « réussite » de Briot à Elbe, l'a-t-elle désigné pour un nouveau poste administratif en Italie. Mais il est aussi possible qu'à cette Napoléon veuille se « débarrasser » des libéraux, monarchistes ou républicains, qui s'opposent plus ou moins à son régime, en les envoyant servir dans les pays alliés ou vassaux. Et on trouve dans l'entourage de Joseph des jacobins tels que Barère, Saliceti, Cavaignac, Masséna, Jourdan ou des monarchistes libéraux tels que Roederer, Mathieu Dumas, Girardin, Jaucour, Gouvion Saint-Cyr, Reynier, Macdonald. Briot fait alors, sans aucun doute, partie des républicains jacobins, il est lié à Saliceti et à Lucien Bonaparte. Alors, il est probable que Napoléon a jugé habile d'éloigner Briot de France, tout en utilisant ses compétences.

"Monsieur Briot, ancien Commissaire à l'île d'Elbe a rempli cette fonction d'une manière satisfaisante, et son rappel n'a été à ma connaissance motivé par aucun sujet de mécontentement. Je l'aurais employé avec plaisir si l'avais à ma disposition quelque place vacante dans l'Empire, je ne pense pas qu'aucun doute soit élevé sur son honnêteté; et ses moyens, son activité peuvent le rendre utile au service public. Je crois donc qu'il pourrait être employé avec succès dans le royaume de Naples. Il part pour ce pays, plein de confiance dans les bontés dont sa Majesté le Roi de Naples l'a déjà honore. " (Chaptal à Miot - 21 mai 1806)

(sur tout la période "italienne" de Briot, l'ouvrage de Francesco Mastroberti apporte des précisions de premier ordre)

Voilà donc Briot nommé intendant de la province de l'Abruzze citérieure à Chieti (il va y créer un journal libéral). Il retrouve, dans le sillage de Joseph, un grand nombre de français (Saliceti, Radet, Miot, Lucotte) parmi lesquels prendra naissance la société des Carbonari, issue des Charbonniers franc-comtois (au sein desquels Briot fut sans aucun doute initié, dès 1796), et qui milite pour l'indépendance de l'Italie. Sans qu'il y ait de preuve formelle établissant que Briot serait le fondateur de la Charbonnerie italienne, du moins est-il possible de faire du bisontin le lien entre les "deux aspects de la vieille société secrète (J. Godechot)

Briot reste une année à Chieti, au cours de laquelle il montre des grands talents d'administrateurs, essayant de développer les travaux publics, l'instruction, les oeuvres de bienfaisance, fondant un journal (mais que Saliceti supprime).

Le 7 juillet 1807, il reçoit le poste d'intendant de la Calabre citérieure à Cosenza. Il va y séjourner deux ans et y faite preuve de la même activité, dans un pays en proie aux troubles fomentés par les Bourbons de Naples et la reine Caroline. Mais, cette fois-ci, il a le soutien de Saliceti, ministre de la police à Naples, de l'ambassadeur de France, d'Aubusson de la Feuillade, qui ne ménage pas ses éloges auprès de Champagny.

Briot quitte Cosenza, en octobre 1809 : il vient d'être nommé auditeur au Conseil d'État du roi Joachim Murat, à Naples, où réside d'ailleurs sa famille. Il obtient rapidement de l'avancement : conseiller le 10 avril 1810, président de la section de Législation en avril 1812. Cette année là, il obtient l'autorisation de continuer à servir Murat. En 1814, il acquiert la nationalité napolitaine. Pendant tout ce temps, il correspond abondamment avec Lucien Bonaparte, retiré à Canino, sauf entre 12812 et 1814, années pendant lesquelles Lucien est en Angleterre.

Ayant pris de l'importance en 1812, pendant l'absence de Murat, qui est en Russie, les Carbonari vont être combattus lorsque ce dernier revient de la désastreuse campagne. Briot, mécontent, quitte alors la capitale napolitaine et se retire dans sa maison de campagne à La Barra.

Briot va sortir de son isolement après la bataille de Tolentino, "rompant le silence quel il s'était volontairement condamné". Il demande alors à Murat une audience, et lui envoie en même temps une note dans laquelle il demande une constitution libérale et l'unité italienne.

L'empire écroulé, Briot et sa famille rentrent en France, à Besançon, laissant à Naples la plus grande partie de sa fortune. S'il entend ne s'occuper que de ses affaires personnelles, Briot est cependant étroitement surveillé, car on le considère comme un personnage dangereux.

Durant l'année 1816, Briot est mêlé au procès du général Radet, auquel on reproche non-seulement sa trahison envers Louis XVIII, mais aussi le fait d'avoir été celui qui avait arrêté le pape. Pour la défense du général, Briot rédige un mémoire. Malgré tous les efforts de ses amis, Radet sera condamné à neuf mois de prison.

En avril 1817, Briot s'installe à Paris, et devient l'un des Conseillers secrets de Decazes. Le 1er février 1820, il devient Directeur Général de la compagnie d'assurance française Phenix, qu'il quittera en mars 1824, pour raison de santé, après avoir pratiquement mis sur pied cette compagnie.

Après une brève maladie, Pierre-Joseph Briot meurt à Auteuil, le 16 mai 1827.


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Sources

Jacques Godechot. P.J. Briot et la Carboneria dans le royaume de Naples.

Francesco Mastroberti. Pierre-Joseph Briot. Un Gioacobino tra aadministrazione e politica. Jovene Editore. Naples, 1998.

Yves Le Floch' Soye. Pierre -Joseph Briot (1771-18127). Bulletin des Amis du Musée de Murat, n° 22, janvier 1991.

Maurice Dayet. Un révolutionnaire franc-comtois, Pierre-Joseph Briot. Annales littéraires de l'Université de Besançon. Les Belles Lettres, Paris, 1960, 1979.

François Pietri. Lucien Bonaparte. Plon, Paris, 1939.

 


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